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Paris, 20 janvier 2017  (jour de l’installation de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis)

Souvent, je pars. Je ne fais pas le touriste, je déteste ça. Je ne vais pas loin, à Paris, où j’ai et où je construis des attaches. A quoi ça sert pour un échevin de partir ainsi ?

Je pars pour mieux revenir.

Nous évoluons en permanence dans un milieu qui nous est familier et à force, nous ne le percevons plus. Comme le poisson ne peut percevoir l’eau dans laquelle il vit.

Le seul poisson qui échappe à ce destin est le poisson-volant qui, par intermittence, s’élève au-dessus de son milieu, le perçoit et l’apprécie d’autant mieux lorsqu’il y revient.

Les nouvelles s’enchainent. Elles donnent non pas des raisons d’espérer mais bien des motifs de garder et de faire grossir l’enthousiasme nécessaire pour construire un monde vivable qui est à portée de main. Il est atteignable bien que nous semblions toujours plus submergés par les mauvaises nouvelles. J’écris mon texte alors que les États-Unis sont, depuis quelques heures, gouvernés par un homme qui a bâti son succès d’une part sur la vulgarité, la violence et l’exploitation de ce qu’il y a de plus bas dans l’être humain et d’autre part sur l’abandon du respect pour les aspirations et les douleurs du corps social par les politiciens sur lesquels, par défaut, nous comptions : Clinton aux Etats-Unis, Hollande en France. Nous n’en espérions pas grand-chose et nous avons tout de même été déçus.

La révolution passera par le chicon.

Les  nouvelles s’enchainent à Forest. Une politique du logement qui porte ses fruits, avec 150 logements nets créés ou initiés en 4 ans. Le bâtiment communal qui a abrité la Maison de Quartier Saint-Antoine bientôt conventionné à une ASBL, Communa, qui proposera des logements à des étudiants. La création d’une régie foncière communale, dont je compte qu’elle soit le bras armé d’une politique immobilière de service public (logement, commerces, équipements d’intérêt collectif,…) n’est pas encore garantie, mais les étapes se succèdent, qui devraient permettre à notre commune d’affronter des défis majeurs. Chaque jour, chaque semaine, chaque mois, le service Environnement prouve que l’écologie appliquée est populaire et sociale par nature: les potagers soutenus par la commune se déploient et sont autant de foyers de rencontre et d’activités qui permettent de passer du vivre ensemble au faire ensemble. Partout à Forest le printemps refleurit déjà, malgré les frimas. Nous sommes ainsi à la base du projet “M. Fungi & Mme Witloof” qui verra les habitants du bas de Forest et de Saint Gilles s’affairer à la production de leurs champignons et chicons. Oui, chers camarades, la révolution passera par le chicon. Parce que faire ensemble, c’est sortir de la sidération des événements infernaux auxquels souvent nous sommes soumis, parce que sortir de cette sidération requiert d’être en action et non passif.

Les nouvelles s’enchainent aussi avec les commissions de concertation Urbanisme qui tournent à plein régime et permettent aux citoyens d’exprimer leurs griefs à l’égard de méga-projets immobiliers dans un cadre qui leur permet d’être entendus et compris et que leur opposition soit entendue, en particulier si elle est constructive. Les nouvelles s’enchainent enfin alors que le Contrat de Rénovation Urbaine qui court de l’avenue Wielemans-Ceuppens à l’avenue du Roi devrait apporter à Forest nouveaux espaces verts, liaisons en mobilité active et revitalisation de chancres.

Résister semblerait être notre seul horizon. Cependant, résister en se bornant à la contestation serait folie : il y en aura toujours un pour contester plus fort sans contester mieux. La contestation sans pensée peut d’abord et avant tout être dirigée “contre” et être destructrice pour les aspects les plus novateurs et les plus nécessaires pour changer le monde dans lequel nous vivons. Les citoyens que je rencontre sont en attente de débat et de propositions. Faute de débat et de proposition, alors la contestation sans proposition sera le cimetière des idées et des valeurs qui mobilisent nos énergies.

les chantiers verts n’ont rien à voir avec la verdurisation du capitalisme.

Quand je pars, c’est pour mieux revenir. Ce soir, j’ai visité les locaux de la Chambre Syndicale des Artisans et des Petits Entreprises du Bâtiment (CAPEB) du Grand Paris. Il s’agit d’un syndicat patronal… qui regroupe les entreprises de moins de 10 salariés. Le CAPEB a évidemment une fonction de représentation et d’assistance à ces micro-entreprises sur un marché dominé par des géants tels Eiffage, Bouygues ou Vinci. Cela a un intérêt énorme en soi. Ensuite, le CAPEB forme ses adhérents aux métiers de l’éco-rénovation. À nouveau, moins que jamais l’écologie est un domaine restreint: elle englobe TOUS les autres domaines et doit être la base d’un projet de société enthousiasmant, ni optimiste ni pessimiste, juste lucide qui doit joindre le long terme (la pérennisation de la civilisation menacée) tout en proposant des solutions ici et maintenant.

Ce midi, alors que je connaissais déjà ma destination de ce soir, j’ai eu la chance d’être invité par la Chambre des Industriels et Commerçants forestois. Un esprit chagrin aurait pu craindre une discussion centrée sur des détails et anecdotes. J’ai tenu à brosser un tableau complet des matières susceptibles d’intéresser ces commerçants et industriels: urbanisme, cadre de vie, aspects fonciers, et surtout centrale d’achats. J’ai eu à cœur de leur demander de croire en leurs ambitions et de se comporter également en tant qu’entrepreneurs, donc en personnes qui anticipent les besoins futurs en matière d’économie, c’est-à-dire en matière d’allocation des ressources pour la satisfaction des besoins. Cette discussion fut particulièrement enthousiasmante et je suis heureux d’avoir obtenu une rencontre et un échange. En particulier, je leur ai parlé de ma visite à venir au CAPEB, dont j’attendais beaucoup, et qui me semble être exemplaire de ce que les chantiers verts n’ont rien à voir avec la verdurisation du capitalisme.

J’en attendais beaucoup car deux jours plus tôt, j’avais eu l’occasion, à Paris toujours, d’assister à des présentations de l’Agence Parisienne pour le Climat et de son programme “CoachCopro”, visant à soutenir les copropriétés d’immeubles dans leurs efforts d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments. Cette visite était une solide piqure de rappel quant à la capacité d’action d’un pouvoir public au périmètre aussi large que la Ville de Paris. Piqure de rappel quant au fait que les impulsions écologistes requièrent du leadership et que l’écologie politique n’a de sens qu’en revendiquant ce leadership.

Plus tôt dans le mois enfin, j’avais été invité, près de Paris toujours, à intervenir sur le thème de l’Anthropocène, soit la période géologique marquée par l’activité humaine. L’association qui m’invitait, à laquelle j’adhère, pense que l’Anthropocène n’est pas vivable. L’Anthropocène n’est pas vivable car c’est le règne de l’auto-extermination de l’espèce humaine. Je n’en parlerai pas plus avant, la vidéo de ma prise de parole est disponible ici.

Que conclure de ces allers-retours ?

Tout d’abord, qu’ils me donnent à mesurer chaque jour la chance inouïe que vous, militants écologistes, m’ayez confié la responsabilité d’être 1er échevin de notre commune.

Ensuite que, partout où je vais, je vois une aspiration immense à la recherche d’un monde juste et vivable, à la compréhension de la complexité et à la prise de responsabilité plutôt qu’à une sempiternelle mise en scène de soi et de son image.

C’est pour cela que je pars, c’est pour cela que je reviens.