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Sait-on pourquoi, un matin,
Cette bête s´est réveillée
Au milieu de pantins
Qu´elle a tous émerveillés
En proclamant partout, haut et fort :
« Nous mettrons l´étranger dehors »

— Pierre Perret

Au terme d’un suspense insoutenable vu ses enjeux, c’est avec soulagement qu’a été accueillie, ce 23 mai, la victoire à l’arraché (50,3%) du candidat Vert à la Présidence de l’Autriche, Alexander Van der Bellen. Il mérite nos félicitations ainsi que nos amis Verts autrichiens qui ont mené campagne sans l’aide des partis installés.

Dans l’absolu, un Président Vert est une bonne nouvelle. Qu’il ait été investi de l’écrasante responsabilité d’affronter un candidat dont les partisans font le salut nazi et qu’il ait remporté la victoire également.

Difficile cependant de se réjouir de cette victoire. Entre 50,3 % et 49,7 %, la différence est infime, relève moins du triomphe que du devoir accompli et d’une certaine dose de chance tellement l’écart est peu significatif.

L’issue positive du scrutin ne changera rien à la préférence pour la haine de la moitié de la population autrichienne. La Bête est revenue, elle est là. Échapper à une victoire de l’extrême-droite au plus haut poste d’un État européen d’une telle manière devrait tous nous faire frissonner et nous interroger, en tant que militants, sur notre relation à l’action politique et à une population, qui, comme tout être qui souffre sans savoir pourquoi, est prête à saisir le premier bouc émissaire qu’on lui présente.

En tout état de cause, cet événement nous prouve que, en 14 ans, nous n’avons ni appris ni trouvé la solution. En effet, le 21 avril 2002, nous avions été atterrés de voir Le Pen passer le premier tour en France avec…17 % des voix. Au second tour, il ne progressait pas et Chirac l’emportait avec… plus de 82 % des voix. Le candidat d’extrême-droite autrichien a engrangé 14 % supplémentaires entre les deux tours.

Nous n’avons pas la solution. Nous pensons simplement que, en tant que parti politique dont l’horizon de réflexion est le plus lointain, pour pouvoir garder le nécessaire contact avec la population, il importe avant tout que nous ne fassions la fête qu’à la condition qu’elle ait, elle aussi, des raisons de le faire. Nous n’y sommes pas encore.

Hélène Lenoir et Jean-Claude Englebert