Ce 9 mai 2015, ECOLO Forest a organisé une rencontre sur le thème de l’islamophobie. Zakia Khattabi (co-présidente du parti), Said Zayou (du Collectif Contre l’Islamophobie – CCIB) et l’échevine de l’Egalité des Chances, Mariam El Hamidine ont animé la réunion, modérée par David Leclercq, co-secrétaire de la locale.

Notre démarche s’est inscrite dans une volonté de rencontres et d’échanges avec les citoyen-ne-s, d’où pourraient émerger des pistes de réflexion, de travail.  Nous pensons que la parole des individus représente la « nourriture » du politique et du travail militant : aller à la rencontre des gens afin de pouvoir prendre position en « connaissance de cause ».  Nous sommes intimement convaincus que l’échange entre femmes et hommes de toutes cultures est fondamental. Cela permet d’avoir une autre vision du monde, et donc plus de recul et un regard critique. À l’inverse, le repli, la non-connaissance de l’autre suscitent la peur, l’angoisse et le sentiment que la différence est dangereuse et à éviter. Nous soutenons que c’est dans l’échange avec l’autre, dans la reconnaissance de nos différences et de nos similitudes que nous nous dirigeons vers la construction d’un monde interculturel plus juste où chacun peut satisfaire ses besoins individuels et collectifs.

Nous tentons ci-dessous de reprendre dans les grandes lignes les échanges de cet après-midi très fructueux.

Pour commencer, une remarque de Zakia Khattabi sur le terme « islamophobie » en lui-même. Nous avons appris qu’il y a trois ans circulait un texte visant à le faire reconnaître. Beaucoup refusaient d’utiliser ce terme car son utilisation revenait à reconnaître ce type précis de discrimination, ce que peu acceptaient. Aujourd’hui, nous constatons que ce dernier est couramment utilisé sans que cela ne soulève polémique. L’utilisation de ce terme est donc une reconnaissance de cette discrimination. Son usage dans le langage courant, dans les médias, dans les textes politiques est représentatif d’une avancée.

Ensuite, il est fait remarquer que cette discrimination touche particulièrement les femmes. Le port du voile représente le signe le plus voyant d’appartenance à la religion musulmane « les femmes font donc les frais de quelque chose qui se joue ailleurs ». Ce signe d’appartenance religieuse peut provoquer une discrimination à l’embauche. Pour Ecolo, ce n’est pas acceptable dès lors que l’exercice de la religion ne remet pas en question un ensemble de règles collectives mais relève bien de la liberté individuelle. Se cacher derrière le principe de laïcité reviendrait à ne rien faire et dès lors à encourager le repli communautaire.  En effet, nous partageons l’avis que l’on peut désamorcer la plupart des problèmes, par la discussion, la réflexion commune, et un certain nombre de modifications des règles générales, sans remettre en cause les principes fondamentaux de la laïcité ou de la charte européenne des droits de l’homme[1].

Par ailleurs, Écolo défend une société inclusive et non l’intégration à tout prix. En d’autres termes, c’est bien à la société de s’adapter aux différents profils qu’elle compte et non l’inverse. Nous ne devons pas en rester à une cohabitation de « communautés » aux contours incertains et aux valeurs différenciées ou sectaires qui s’opposent à un vivre-ensemble[2]. Il est donc fondamental de changer de paradigme.

Est exprimé aussi le fait que l’islamophobie, tout comme l’antisémitisme, n’est pas l’affaire des musulmans ou des juifs mais bien un problème de société qui met à mal notre vivre ensemble. Notre priorité, c’est de vivre ensemble et de faire ensemble.

Une question est soulevée : par quel média pouvons nous travailler sur la problématique de la discrimination ? Certains dans la salle proposent le média artistique, sur l’imaginaire culturel collectif : mener un travail de prévention, d’éducation, de citoyenneté car il y a réellement un champ éducatif à reconsidérer.

Aussi, d’autres font remarquer que la crise actuelle renforce les peurs : observation d’un recul, d’une fracturation de notre société. Il est donc plus que nécessaire de protéger l’ensemble des citoyens. Et dans cette réflexion intervient la question légale : faut-il renforcer le cadre législatif ? Henri Goldman nous précise que la loi antiraciste interdit les discriminations, mais il faut alors porter plainte au cas par cas. Malheureusement, cela ne suffit pas pour combattre les « discriminations structurelles » : à diplôme égal, les travailleurs d’origine extra-européenne sont beaucoup plus discriminés que les « Belges de souche ». Une piste a été étudiée depuis des années : celle du « monitoring socio-économique » mis sur pied par le Centre pour l’égalité des chances, avec le concours des interlocuteurs sociaux, de l’administration publique et approuvé par les trois régions : il s’agit de mesurer la discrimination, selon les secteurs et les (grandes) entreprises en fonction du seul critère objectif consigné dans les registres de la population: la nationalité d’origine. Cette piste étant établie, on peut envisager des incitants ou des sanctions pour obliger les entreprises concernées à rectifier le tir. Mais la mise en œuvre de ce dispositif traîne…Alors, faut-il de nouvelles lois ? La réponse de principe est négative car il y a inflation de lois en Belgique, qui ne sont jamais évaluées. La plupart des propositions de loi déposées visent à limiter la liberté religieuse au nom d’une certaine conception (« à la française ») de la neutralité/laïcité. Il faut donc les bloquer. Néanmoins, la situation actuelle n’est pas acceptable non plus : les interdictions de port de signes religieux se multiplient (à l’école et dans l’emploi) en dehors de tout cadre législatif contraignant. Conclusion : il faut combiner un travail « de terrain » avec la population et les acteurs concernés autour des situations concrètes, judiciaire (politique de plaintes, jurisprudence, doctrine) et politique.

Cette rencontre a constitué une première étape dans une réelle volonté d’échanges et de sensibilisation menée par la locale. Cette réunion se situe dans une démarche d’Ecolo Pluriel qui veut être un lieu de réflexion et d’action pour travailler sur des missions fondamentales du parti : lutter contre toute forme d’exclusion, militer pour l’égalité entre femmes et hommes, garantir le respect de la dignité et l’émancipation des individus, en portant une attention toute particulière aux personnes les plus démunies, et discriminées. En effet, si lors de cette première action, les interventions étaient particulièrement centrées sur l’islamophobie, la réflexion doit aller plus loin. Nous voulons parler de l’islamophobie mais également du racisme, de la stigmatisation, de la discrimination, ….. Nous pensons qu’il ne faut pas taire ce qui nous fait peur. Nous pensons qu’il faut lever les tabous, les non-dits. Nous pensons qu’il faut nous alimenter ensemble  (politiques, militants, citoyens) pour avancer sur ce qui nous est commun et non sur ce qui ne l’est pas, nous pensons qu’il faut « colorer » le travail politique avec les paroles de tous les individus, quelles que soient leur culture, leur religion, leur origine, …

Anne RAKOVSKY

[1]              Dounia Bouzar

[2]              Dounia Bouzar

Autres références pour aller plus loin: 

Le programme Vivre Ensemble d’ECOLO. >>>

La proposition ECOLO pour lutter contre les radicalismes. >>>

Et une étude qui fait tomber quelques clichés: « Belgo-Marocains, Belgo-Turcs: (auto)portrait de nos concitoyens. »  >>>